L'Assemblée nationale examine, ce 23 janvier en première lecture, la proposition de loi (1) visant à limiter l'exposition des Français aux ondes électromagnétiques, déposée par Laurence Abeille, députée Europe Ecologie Les Verts (EELV) du Val-de-Marne.
Cette proposition de loi, portée par le groupe écologiste à l'Assemblée, est relative "à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d'exposition aux ondes électromagnétiques". Il s'agit d'une nouvelle version du texte déposée par Mme Abeille qui avait été renvoyée "en commission" lors de son examen le 31 janvier 2013 à l'Assemblée, à l'initiative des socialistes. La veille de ce vote, Fleur Pellerin, ministre de l'Economie numérique avait mis en garde contre "des peurs irrationnelles liées aux ondes radioélectriques" qui piloteraient la proposition écologiste, considérant que la dangerosité de ces ondes "n'est pas scientifiquement étayée".
Elle avait alors opposé au principe de précaution l'importance de réduire la fracture numérique en permettant le déploiement du réseau de téléphonie mobile de quatrième génération (4G), provoquant l'ire des écologistes et des ONG "anti-ondes". En 2011, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) avait pourtant classé les radiofréquences comme "cancérogènes possibles". En octobre 2013, l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a recommandé "de limiter les expositions de la population aux radiofréquences".
"Modération" des expositions
La première mouture du texte prévoyait un seuil d'exposition basé sur le principe "ALARA – As Low As Reasonably Achievable", c'est-à-dire aussi bas que raisonnablement possible. Il proposait d'abaisser le seuil d'exposition à 0,6 volt par mètre (V/m). Dans le cadre des travaux du Grenelle des Ondes, lancé par le gouvernement en 2009, "des expérimentations in situ dans différentes villes françaises ont permis de confirmer la faisabilité technique de la mise en œuvre de ce seuil", indiquait le précédent texte.
Dans sa nouvelle version, les écologistes veulent trouver un compromis. Ce nouveau texte "intègre les préoccupations citoyennes mais tient également compte des difficultés techniques, juridiques et financières de certaines dispositions initialement portées", précise Laurence Abeille.
Exit par conséquent le principe "ALARA", à l'origine du premier texte enterré. La proposition de loi opte désormais pour le principe d'une "modération" des expositions renvoyant à une date indéterminée l'adoption d'un décret fixant les valeurs "que ne doivent pas dépasser les champs électromagnétiques émis par les équipements radioélectriques".
Pour appliquer cette "modération", la loi propose en particulier de réduire les "points atypiques" c'est-à-dire les endroits en France où l'exposition aux ondes est "sensiblement plus élevée que la moyenne". Objectif de la mesure : "obliger les opérateurs à reconfigurer certaines installations", indique la députée.
En septembre dernier, le ministre de l'Ecologie Philippe Martin avait plaidé pour un meilleur recensement des "points atypiques" tout en rappelant qu'environ "90% des niveaux d'exposition sont inférieurs à 0,7 V/m et que 99% sont inférieurs à 2,7 V/m, c'est-à-dire en deçà des valeurs limites réglementaires comprises entre 40 et 61 V/m", selon les résultats du comité d'expérimentation post-Grenelle des ondes.
La proposition de loi veut également renforcer la procédure de concertation et de transparence, au niveau local et départemental, lors de l'installation de nouvelles antennes-relais sur son territoire. Le texte "comporte des avancées certaines en matière de bonne gouvernance, réinsérant le Maire dans le jeu d'acteurs en tant que médiateur et animateur de la concertation", s'est félicitée l'association Priartem. Selon elle, les ONG notent également "des avancées intéressantes" avec l'obligation d'une information sur l'exposition générée mentionnée pour tous les terminaux radioélectriques.
Principe de précaution
La proposition de loi vise également à "protéger les enfants". Elle interdit l'installation de boîtiers wifi dans les écoles maternelles, et non uniquement dans les crèches et garderies, et "privilégie" les connexions filaires. Le texte interdit aussi toute publicité, pour les téléphones portables ou autres terminaux comme les tablettes, ciblant les "enfants de moins de 14 ans".
La proposition de loi prend également en compte l'électro-hypersensibilité des personnes exposées aux champs électromagnétiques. Elle demande au gouvernement la remise d'un rapport, sous un an, concernant la création de zones à rayonnements électromagnétiques limités, la prise en compte en milieu professionnel et l'efficacité des dispositifs d'isolement aux ondes.
Soutien du gouvernement
Pour Sandrine Rousseau, porte-parole d'EELV, "cette fois, l'intérêt général doit l'emporter sur l'intérêt des lobbys des opérateurs de téléphonie mobile et des équipementiers". La commission des affaires économiques de l'Assemblée a adopté ce texte le 8 janvier.
Les ONG appellent les députés "à voter cette loi" et ne pas la "renvoyer aux oubliettes". Dans un communiqué, huit organisations professionnelles du numérique (AFDEL, FFTélécoms, FIEEC, GITEP, SFIB, Simavelec, Syntec Numérique, USPII) ont en revanche appelé "le législateur à faire évoluer un texte dont le principal effet en l'état serait de susciter peurs irraisonnées, tensions et contentieux autour des réseaux et des services numériques mobile et sans fil", estiment-elles.
Les ministres Philippe Martin et Fleur Pellerin ont pour leur part souligné jeudi à l'Assemblée l'"équilibre" et le "compromis" de la loi. "C'est une première réponse", a estimé le ministre de l'Ecologie, rapporte l'AFP. Mme Pellerin a désormais assuré du "soutien plein" du gouvernement à un texte ayant "la rédaction la plus ambitieuse et la plus sécurisée juridiquement".